jeudi 15 septembre 2016

LE MYSTÈRE DES PÉTROGLYPHES DU CAP VERT


Plusieurs spécialistes de la linguistique canarienne ont signalé des inscriptions rupestres, semblables à celles recensées aux Iles Canaries, dans l’archipel du Cap Vert[1].

Aux Canaries, ces gravures sont très diverses mais certaines ont été identifiées comme se rattachant aux tifinagh touaregs et la langue qu’ils transcrivent analysée comme étant du libyco-berbère. A la différence des Açores[2] et du Cap Vert, les Canaries étaient peuplées avant l’arrivée des européens au XVe siècle et, si certaines différences ont été signalées entre les langues parlées par les autochtones dans chacune des sept îles qui forment l’archipel, tous ces dialectes se rattachaient à une langue commune, que l’on appelle pour simplifier le « guanche », lui-même dérivé du libyco-berbère.

Le Cap Vert se trouve à près de deux mille kilomètres au Sud des Canaries et à environ 500 km à l’Ouest du Sénégal. Comme elles et comme les Açores, l’archipel est en grande partie de formation volcanique. Cependant, on y trouve des vestiges de terrains sédimentaires[3], ce qui laisse à penser aux géologues qu’il fut rattaché, à une époque très ancienne, au continent africain. Par ailleurs, toutes ces îles (des Açores au Cap Vert[4]) font partie, malgré leur éloignement géographique, de ce qu’on appelle la « zone macaronésique » (du grec makaron nesoi, (μακάρων νσοι) les « Iles Fortunées » des Anciens). Ces terres ont beaucoup de traits en commun, en particulier sur le plan de la flore et de la faune.

Le Cap Vert était inhabité lors de sa « découverte » officielle attribuée au gênois[5] Aloiso da Cá da Mosto (ou Cadamosto), le 14 juillet 1456, mais il est vraisemblable que des marins phéniciens et arabes y aient auparavant abordé, volontairement ou par accident.  

C’est pourquoi l’existence de gravures rupestres, si elle était confirmée, serait extrêmement intéressante car, soit l’archipel a été occupé avant sa « découverte » au XVe siècle, soit ces gravures sont postérieures.

Dans le cas où leur authenticité ne ferait pas de doute, il restera à les identifier : qui les a réalisées, quand, et surtout de quelle langue il s’agit ? Quant à leur signification, c’est une histoire dont la première ligne n’est pas encore écrite...
A notre connaissance, la première observation des gravures capverdiennes date de 1935 ; elle est due à Auguste CHEVALIER, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris et spécialiste de l’agriculture tropicale[6].  Il passa quatre mois au Cap Vert dans le but d’en observer la flore et la faune. Au cours de son séjour, on lui parla de gravures rupestres et de structures lithiques, ce qui l’intéressa vivement.

Dans le mémoire qu’il publia à son retour dans la « Revue de botanique appliquée et d’agriculture tropicale », il signale quatre zones de gravures, dans les îles suivantes :
            1.  Ile de Boa Vista:  « M. F. BONNAFOUS m’apprit que les jeunes gens de Sal Rei racontaient avoir observé en escaladant le roc de Rochinha, massif de phonolites qui se dresse à 96 m. au-dessus de la mer, à 1 km au N de Sal Rei, des inscriptions sur la pierre. Je les ai vainement recherchées. »

            2. Ile de Maïo :  « A l’embouchure de la Ribeira D. Joao, il existait aussi une vieille inscription rupestre. Nous nous y sommes rendus et avons trouvé dans la falaise sur la rive gauche seulement une croix portugaise peinte en noir et paraissant ancienne, mais aucune inscription[7]. »

            3. 1. Ile de San Antao :  « Nous avons été plus heureux à l’île de San Antao. On nous avait dit qu’il existait, près du village de Janela, près de l’extrémité Est de l’île, une inscription que personne n’était parvenu à déchiffrer. Nous nous sommes rendus de Pombas à Janela en suivant la côte. Janela est un petit port à l’embouchure du Rib. Penedo. En remontant cette rivière, où l’eau coule toute l’année entre les blocs de pierre, à 1 km à peine de la mer, on arrive à un endroit où la rivière, large de 5 à 6 m, est déjà resserrée dans une vallée assez étroite ; on observe sur la rive gauche, à 15 m environ du lit, un énorme monolithe de 3 m 50 de haut, de 4 m de large, reposant sur un soubassement rocheux sortant du sol de 30 à 40 cm. La face de ce monolithe tournée vers la mer porte, à environ 2 m de hauteur, deux inscriptions avec des signes différents de notre alphabet (caractères runiques ?)[8]. L’inscription  principale non mutilée se trouve à gauche quand on regarde la mer et les caractères, en particulier une espèce d’ S, sont encore très visibles. Elle a environ 35 cm de long et 20 cm de haut. Les lettres sont gravées en creux le tout est entouré d’un cadre grossier, irrégulier.

L’inscription de droite, en caractères analogues, est en partie effacée parce qu’on lui a superposé, également en creux, une croix avec piédestal[9] qui a fait disparaître en partie les caractères de l’inscription préexistante. Ceux-ci, de même que la croix, sont certainement très anciens comme en témoignent les lichens qui recouvrent les rainures gravées dans la pierre. Tout près du monolithe, en se rapprochant du lit du ruisseau, existe une sorte de dolmen formé de deux grosses pierres posées à plat sur des blocs de soutènement et limitant une chambre d’environ 40 cm. de haut et de 1 m. 50 de large. »

Des amis, qui sont allés au Cap Vert en voyage d’agrément 1991, ont pu nous rapporter des clichés des gravures de Janela, qui, apparemment sont les plus faciles à voir.  A leur lecture, il nous semble que certaines d’entre elles (celles de droite) pourraient être du portugais. Par contre celles situées à l’extrême gauche de la photo, entourées par une sorte de cadre, pourraient être des tifinagh (en particulier le « s » à l’envers de la ligne supérieure et les « o ».
           3.2.  Ile de San Antao:  « (Il existerait) aussi des inscriptions analogues à celles de Janela au NW de l’île (près de la Rib. Altomira ou aux environs ?).


Photo prise par R. Heurtier sur le site de Janela (San Antao) 1991

      4. Ile de Sao Nicolau : « Il existe une inscription (Rocha escrita) près de l’embouchure de la Rib. Prata, au NW de l’île (entre Prata de Pau et Prata Espechim) ».

Auguste CHEVALIER consacre ensuite tout un chapitre aux « dolmens » des Iles du Cap Vert mais il émet de sérieux doutes quant à leur identité avec les mégalithes européens. Il faut noter que, s’il existe beaucoup de structures lithiques aux Canaries, nous n’y avons connaissance d’aucun dolmen ou menhir. Par contre, la plupart des structures canariennes sont anciennes et liées soit au culte soit à des pratiques funéraires des préhispaniques canariens. Les mégalithes sont aussi nombreux dans tous les pays du Maghreb et bien au-delà puisqu’on en trouve jusqu’en Corée.

Les « dolmens » que signale CHEVALIER seraient situés à :

- Nord de l’île de Santiago, à l’île de Fogo près Ribeira Lomba et Nhuco, dans le cratère de Cova à S. Antao.
N’ayant malheureusement encore jamais pu nous rendre sur place, nous ne pouvons ni corroborer, ni infirmer ces dires et nous serions heureux si des correspondants pouvaient nous rapporter des photos de l’un de leur voyage dans cet archipel.

[Cet article nous avait été demandé en 1997 par Sabrina Requedaz, qui préparait un Guide du Cap Vert, qui fut publié en 1999 par les éditions Olizane dans leur collection « Loin des yeux du monde ».]            



[1] Georges MARCY, L’Epigraphie berbère (numidique et saharienne, in : Annales de l’Institut d’études orientales, T.II , 1936 ; Juan ALVAREZ DELGADO, Inscripciones libicas de Canarias. Tenerife, Universidad de La Laguna, 1964.
[2] On a cependant émis l’hypothèse que les Açores étaient connues des Phéniciens (voir à ce sujet mon article : "Les Phéniciens ont-ils découvert les Açores ?")
[3] C’est aussi le cas dans certaines îles des Canaries.
[4] Certains y rattachent même les Antilles et les Bermudes.
[5] D’autres disent qu’il était vénitien...
[6] A. CHEVALIER : Les îles du Cap Vert, géographie, agriculture, flore de l’archipel, in : Revue de botanique appliquée et d’agriculture tropicale, bulletin n°170-171, oct.-nov. 1935.
[7]  Nous savons par expérience qu’une croix isolée sur un rocher peut avoir été faite à partir de la christianisation de l’île pour exorciser un lieu de culte païen. Ici la croix serait peinte. Si elle avait été gravée, elle aurait pu être un tifinagh, l’un des caractères les plus courants de cet alphabet ressemblant à  une croix chrétienne.
[8]  Il est très peu vraisemblable qu’il puisse s’agir de caractères runiques. Par contre, pour un non spécialiste, des caractères tifinagh peuvent être confondus avec des caractères runiques.
[9]  Autre exemple de christianisation d’inscriptions considérées comme « païennes » par les colonisateurs.

dimanche 4 septembre 2016

LES PHÉNICIENS ONT-ILS DÉCOUVERT LES ACORES ?

Auteur : Roland Comte
Date : 15/11/2014
 Monnaies carthaginoises découvertes aux Açores

Parmi les éléments permettant de penser que les Açores ont été connues bien avant leur "découverte" officielle par les Portugais au XVe s, il en est un qui, s'il pouvait être prouvé, irait dans le sens d'un contact - peut-être accidentel et sans lendemain - avec des marins Carthaginois.

En effet, Donald B. Harden, le grand archéologue anglais, dont l'ouvrage Phoenicians (1948) fait toujours référence, cite comme une certitude la découverte d’un trésor de huit pièces puniques et cyrénaïques, remontant au 3ème siècle avant J.-C. qui fut découvert en 1749 dans l’île de Corvo aux Açores, mais il précise aussi, sans autre indication, qu’il a été perdu.



L'île de Corvo vue du large
 (Source : Wikipedia auteur Dreizung, image dans le domaine public)

C’est à partir de ce mince élément que nous nous sommes lancé dans une enquête pour essayer d’en apprendre davantage sur cette question.

Des amis qui s’étaient rendus aux Açores ont pu obtenir des photocopies, à la bibliothèque d'Angra do Heroismo (Terceira), d'un article de J. Agostinho intitulé "Achados arqueologicos nos Açores" (Découvertes archéologiques faites aux Açores), publié en 1946 dans la revue Açorea, boletim da Sociedade Afonso Chaves, qui donnait le détail de cette découverte.

Selon cet article, les pièces, d'un nombre supérieur à celui indiqué par Harden, avaient été découvertes au mois de novembre 1749 "dans les ruines d'un édifice de pierre ravagé par la tempête sur l'une des côtes de l'île de Corvo". Elles étaient "contenues dans une poterie de terre noire, brûlée. L'ensemble fut transporté dans un couvent et dispersée parmi les quelques érudits résidant dans l'île hormis neuf pièces parmi les mieux conservées qui furent envoyées à Madrid au père Flores, éminent numismate espagnol de l'époque, auteur d'un ouvrage en trois volumes sur les médailles des colonies d'Espagne."


Portrait du père Henrique Florez par Andrés de la Calleja (Musée du Prado) - photo libre de droits

Il faut croire que le destin de ces pièces, originaires d'Afrique du nord, comme celui d'autres objets archéologiques, était de voyager, car le père Flores[1] en fit cadeau à John Podolyn[2], numismate suédois de ses amis, lors d'une visite à Madrid. Ce dernier, dans un article publié en 1778 dans le Bulletin de la Société Royale des Sciences et des Lettres de Göteborg et reproduit par Agostinho, en donne une copie grâce à laquelle nous savons à quoi ressemblaient ces neuf pièces.

-         Les n°1 et 2 sont en or :

·        N°1 représente, à l'avers, un visage de femme et, au revers, un corps de cheval, la tête de l'animal regardant vers l’arrière ;
·         N°2 représente, à l'avers, un palmier et, au revers, une tête de cheval ;

-         Les n° 3 à 9 sont en cuivre :

·        N°3 : à l'avers, visage de femme et, au revers, corps d'un cheval regardant devant lui ;
·        N°4 : visage de femme et tête de cheval regardant devant lui ;
·        N° 5 : visage de femme et tête de cheval et un palmier à l’avant ;
·        N°6 : visage de femme et corps de cheval, tête tournée vers l’arrière ;
·        N°7 : visage de femme et cheval avec, en arrière-plan, un palmier ;
·        N°8 : Visage d'homme d'homme barbu avec des cornes de bélier, à l'avers et au revers un palmier et des lettres difficiles à identifier sur la reproduction ;
·        N°9 : un palmier à l'avers et un cheval, tête tournée vers l'arrière, au revers.

Selon les auteurs, les pièces n°1 à 7 seraient d'origine carthaginoise, les deux dernières (n°8 et 9), d'origine cyrénaïque

La comparaison de ces pièces avec les collections royales du prince de Danemark avait démontré leur authenticité. Celle-ci était aussi reconnue par le célèbre naturaliste allemand Alexander Von Humboldt[3]


Alexander Von Humboldt (portrait par Joseph Karl Stieler) - photo libre de droits

et François-René de Chateaubriand, qui en avait eu connaissance, en parle dans le Mémoires d’Outre-Tombe[4]. L’archéologue norvégien Anton Wilhelm Brøgger (1884-1951) cita cette découverte en exemple lors de son discours d’ouverture du 2ème Congrès International d’Archéologie (1936) dans lequel il défendit l’hypothèse d’expéditions lointaines réalisées déjà à l’âge du Bronze. La thèse de l’authenticité, non des pièces elles-mêmes mais de leur découverte à Corvo, a cependant été remise en cause par Pierre et Patricia Bikai, deux archéologues spécialistes du Moyen-Orient ont suggéré qu’il aurait pu y avoir une confusion sur l’origine géographique des monnaies. Selon eux, elles auraient été trouvé dans un village nommé Corvo, nom assez commun au Portugal, et nom sur l’île de Corvo aux Açores. Cette dernière assertion, si elle était confirmée, nous paraît plus que légère car, même si nous comprenons bien qu’elle permet de balayer facilement toutes les questions posées aux archéologues par une découverte, même fortuite et sans lendemain, des Açores par une expédition carthaginoise, elle fait bien peu de cas de la respectabilité de Podolyn, reconnu comme un éminent numismate, et encore plus du Père Florez, célèbre à son époque comme historien, qui était également traducteur, géographe, chronologiste, épigraphiste, numismate, paléographe, bibliographe et archéologue du Siècle des Lumières. Grand connaisseur de l’histoire de son pays, et du Portugal, c’est lui faire injure que d’imaginer qu’il aurait pu confondre un quelconque Corvo avec l’île de Corvo aux Açores !   


Nous avons comparé ces pièces avec des monnaies phéniciennes publiées dans l'ouvrage "Les Phéniciens" dirigé par Sabatino Moscati (Milan, Bompiani, 1988). les dessins reproduits dans le livre d'Agostinho sont en tout point identiques à ces dernières : 
      
   Monnaie d'or avec au droit tête de Coré et au revers cheval debout (Emission de Carthage, Tunisie, 350-320 av. J.-C.)
Monnaie d'or avec au droit tête de Coré et au revers cheval devant un palmier  (Carthage, Tunisie, milieu IVe-début IIIe s. av. J.-C.)


Pour le moment, le mystère reste entier et nous serions heureux de toute contribution de la part d’un de nos lecteurs qui pourrait l’éclairer.  





[2] Johan Frans Podolyn célèbre numismate suédois (né à Lisbonne en 1739, mort à Göteborg  en 1784
[3] In : Examen critique de l’histoire et de la géographie du Nouveau Continent, Paris, Libr. De Gide, 1857 [Google books]
[4] Livre V, p. 339 de l’éd. Garnier, 1910 [Wikisource]. 

vendredi 26 août 2016

LE NOSTOC : ALGUE OU BACTÉRIE ? UN MIRACLE DE LA NATURE

Nostoc

Nostoc est un genre de Cyanobactéries de la famille des Nostocaceae. Le mot Nostoc, dont l'étymologie est discutée1, pourrait avoir été inventé par Paracelse (Nostoch). Il désigne aujourd'hui un genre de cyanobactéries de la famille des Nostocaceae. Nostoc est un organisme procaryote réalisant la photosynthèse et fixant l’azote.

Ils ressemblent souvent aux algues, mais peuvent vivre sur des substrats terrestres en colonies importantes, et alors former des masses gélatineuses évoquant certaines algues, notamment lorsque leurs structures se gonflent d'eau après la pluie ou en période humide.

Leur discrétion lorsqu'elles sont déshydratées et la rapidité de leur turgescence lorsqu'elles sont exposées à l'humidité ont fait croire qu'elles tombaient du ciel, d'où leur nom de crachat de lune ou star jelly (soit gelée d'étoile), witches butter (soit beurre de sorcière) and mare's eggs (soit œufs de jument) pour les anglophones.

Ce sont des espèces pionnières, qui peuvent vivre sur des milieux pauvres et basiques. Formant parfois de véritables tapis, des nodules2 ou des boules, atteignant en zone polaire plusieurs centimètres de diamètre3, elles jouent localement un rôle très important en matière de protection des sols contre l'érosion éolienne et hydrique et la déshydratation sur certains sols en pente ou semi-désertiques. Lorsqu'elles meurent et se dégradent elles contribuent à former la matière organique du sol. Leur récolte intensive en Chine est une des causes d'augmentation de l'érosion et de la dégradation de certains sols très vulnérables.


Identification, taxinomie

Une des multiples formes du genre Nostoc, ici prélevée sur un substrat au pH très basique, sur un bord de canal, dans le nord de la France. 

La classification des espèces de ce groupe a beaucoup varié, et pourrait encore être modifié avec les progrès de la connaissance sur la génétique du genre.

Leur identification, comme celle des cyanobactéries en général, relève de spécialistes, qui s’appuient sur la morphologie des filaments bactériens, des cellules végétatives, des hétérocytes et des akinètes (tous ces éléments devant être au moins observés en microscopie optique sur un échantillon quantitativement et qualitativement représentatif). La forme et l'aspect de la colonie, la forme des cellules terminales des fibres bactériennes, ou encore la présence de vésicules, de mucilages, d'une gaine plus ou moins épaisse et de gaz, ainsi que les caractéristiques du cycle de vie, sont des caractéristiques complémentaires nécessaires à l'identification de certains genres.

Au début des années 2000, sur des résultats de génétique, la séparation des genres Nostoc et Anabaena fait encore l'objet de discussions, par exemple par Henson & alii et Tamas & al. par exemple, Trichormus azollae pourrait peut-être devoir être classé parmi les espèces du genre Nostoc.
La PCR (polymerase chain reaction) commence à pouvoir être utilisée. Des données sont accessibles dans Genbank.

Selon de premières analyses phylogénétiques portant sur l'étude de l'ARN, une importante hétérogénéité des souches de Nostoc laisse penser que le genre Nostoc est un cluster monophylétique qui pourrait contenir plus d'un genre.




Description

Les espèces du genre Nostoc peuvent prendre des formes très variées, et se présentent souvent très différemment selon qu'on les observe à échelle macroscopique (colonies) ou microscopiques (filaments bactériens).

 Certaines espèces, quand elles vivent en colonies, ont l'apparence de petites boules (de quelques millimètres de diamètre à un centimètre environ, voire une dizaine de centimètres exceptionnellement) qui peuvent les faire confondre avec des champignons.

 D'autres espèces de colonies substantielles forment des ensembles lamellaires, très fins puisque translucides, souvent circulaires à bords renflés ou cloqués et pouvant atteindre de 4 à 6 cm de diamètre. La ressemblance avec une algue ou parfois avec un lichen peut induire des confusions, mais il s'agit bien de bactéries puisque l'individu unicellulaire de la colonie ne possède pas de noyau.
 La forme prise par d'autres espèces évoque de longs et fins cheveux vert foncé. Ces derniers, qui poussent sur des milieux oligotrophes carencés en azote du plateau de Qinghai et du désert de Gobi ont été très recherchés par la cuisine chinoise qui les utilise sous le nom de « Fat Choy » (Nostoc flagelliforme), notamment lors de fêtes, dont celle de la nouvelle année lunaire. Leur consommation est maintenant interdite en Chine car l'espèce a été tant prélevée qu'elle est menacée de disparition (sur liste rouge), et de plus, elle sécrète des toxines (Bêta-N-méthylamino-L-alanine) qui peuvent gravement affecter la santé des consommateurs. Enfin, de nombreux produits frelatés ont été vendus. Une autre espèce (en forme de boule) est vendue déshydratée en Chine pour la cuisine.

Certaines espèces de Nostoc peuvent parfois être symbiotiquement associées à des champignons ou des végétaux.

 Habitat

On les trouve là où elles ne sont pas concurrencées par d'autres espèces, c'est-à-dire sur des milieux très pauvres (ou neufs) et exposés à un fort ensoleillement, par exemple sur certains chemins, sur des cailloutis de talus, dans des carrières, sur des rochers, voire sur le bitume, milieux a priori peu favorables à leur développement en ce qui concerne l’approvisionnement en matière azotée d’origine minérale.

Certaines espèces peuvent être trouvées près de la mer.

Caractéristiques biologiques

Le genre Nostoc appartient aux Hormogoneae. 

Ils forment des structures coloniales (aériennes ou aquatiques) très résistantes aux UV, à la radioactivité, aux pH basiques, la dessiccation, et à divers stress environnementaux (chocs thermiques notamment).

Ils ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique par l’intermédiaire des cellules particulières : les hétérocystes, qui sont des cellules différenciées à paroi plus épaisse, nettement visibles au microscope. Les hétérocystes apparaissent habituellement aux extrémités des chaînes de cellules sphériques, ovoïdes ou cylindriques. Ces chaînes sont plus ou moins longues.

Dans les grands filaments, des hétérocystes peuvent aussi apparaître en position intercalaire. Ils sont issus de la différenciation de cellules végétatives. Le processus de production hétérocystes interviendrait quand l'organisme est stressé et carencé en azote minéral. Il s'effectue sur 3 à 7 % des cellules de la colonie.

On trouve des espèces du genre Nostoc dans une grande variété de milieux, de certains déserts, à la limite des zones polaires, en passant par les rizières où ils expliquent la grande fertilité azotée de ces milieux particuliers (rizières). Certaines espèces de Nostoc poussent en épiphyte sur le bas des tiges des plants de riz, ou sur certaines espèces du genre Chara (ex : Gloeotrichia. L'azote est absorbé par ces cellules spécialisées, sans être transformé en ammoniaque grâce à une enzyme particulière, la nitrogénase, uniquement produite dans les hétérocystes. Au moins chez certaines espèces ou souches, la lumière a une importance pour ce processus, de même que la température. On a constaté (2004) que les souches de Nostoc provenant de champs cultivés présentaient de ce point de vue des capacités fixatrices d'azote très différentes par rapport à celles provenant d'environnement « sauvages » ou  non cultivés.

 Reproduction

Elle se fait de 3 manières complémentaires :

- Par hormogonies (structures mobiles, produites par des jeunes trichomes qui présentent des hétérocystes aux deux extrémités de la chaîne cellulaire). Les akinètes s'ils sont présents se trouvent en position intermédiaire (entre deux hétérocystes et sont souvent en chaîne).
 - Par rupture du trichome.
 - Via la germination des akinètes.

On connaît au moins un cas (Nostoc punctiforme) de symbiose (endosymbiose) avec un champignon ; Geosiphon pyriformis (Kütz.) v. Wettstein (v. Wettstein, 1915) et d'autres peuvent être associés à des champignons dans certains lichens.

Histoire, évolution, paléoécologie

Selon les phycologistes, des formes fossiles qui semblent être des formes de Nostoc proches de ceux que nous connaissons, datent au moins du précambrien (4 milliards 450 millions d’années).

Nostoc a peut-être constitué un élément important de nombreuses communautés terrestres et aquatiques depuis cette époque. Les cyanobactéries filamenteuses du genre Nostoc ont en effet, il y a probablement très longtemps, acquis la capacité de résister à des environnements difficiles et de former des structures coloniales microscopiques, macroscopiques voire géantes à leur échelle. Elles sont souvent discrètes, mais communes dans tous les habitats terrestres et aquatiques, jusque sur les glaciers de montagne et dans ou sous les glaces polaires.

Écologie

Par rapport aux autres cyanobactéries, le genre Nostoc présente d'importantes spécificités écologiques.

Une grande partie de leur succès dans les environnements émergés difficiles est liée à leur capacité de survie sous forme déshydratée durant des mois ou années, puis à se réhydrater en relançant très rapidement leur métabolisme (dans les heures qui suivent une pluie ou le contact avec de l'eau liquide).

Nostoc résiste également à des cycles répétés de gel et de dégel et aux rayons ultra-violets (notamment dans les habitats benthiques peu profonds et très exposés à la lumière solaire). Grâce à cela, il forme une composante majeure des environnements dits « extrêmes » des habitats terrestres de l'Arctique et de l'Antarctique.

Il possède en outre la propriété de fixer l'azote atmosphérique, ce qui l'avantage comme espèce pionnière de certains milieux oligotrophes (ceux qui sont pauvres en azote). 

À ce titre, ce genre de bactéries semble jouer un rôle important dans la culture du riz paddy et la productivité biologique des rizières, en y fixant l'azote qui peut ensuite être libéré et réutilisé par le riz. Il joue aussi un rôle dans la formation des néosols et dans l'enrichissement des sols (apport d'azote aux écosystèmes naturels terrestres et aquatiques).

Ses aptitudes en font un concurrent ou un compagnon des lichens, et Nostoc pourrait aussi jouer un rôle encore mal cerné en matière d'interactions durables et plus ou moins symbiotiques avec d'autres espèces (champignons ou lichens), hépatiques, cératophylles, mousses, fougères, cycas, et Gunnera angiospermes.

Nostoc fait également preuve d'une bonne résistance à la prédation en formant des colonies (parfois caoutchouteuses, également résistantes au piétinement) assez grandes pour résister aux algivores. Les toxines (microcystine-toxines) qu'il produit jouent sans doute aussi un rôle dans sa résistance à la prédation.

Il a néanmoins comme toutes les espèces des « ennemis » naturels, qui en régulent les populations : des virus probablement, divers organismes mangeurs d'algues ou bactériophages : certains peuvent subsister en ne mangeant que Nostoc, bien qu'il ne soit pas leur source de nourriture préférée, des cyanophages lytiques peuvent infecter Nostoc…

Mais on ignore encore comment sont contrôlées ou rétro-contrôlées les dynamiques des populations de Nostoc dans leur environnement naturel.

Génétique

Pour nombre de ses caractéristiques, le génome de ce genre intéresse les généticiens et l'industrie biotechnologique[14]. Parmi ces caractéristiques intéressantes, on compte le fait qu'il s'agit d'un organisme photoautotrophe, à modes de croissance diazotrophes, mais facultativement hétérotrophe ; que ses cellules végétatives ont plusieurs alternatives de développement, y compris pour la différenciation terminale ; qu'il peut fixer l'azote et produire des molécules complexes lui conférant des chances de survie élevée dans des environnement très difficiles… L'espèce modèle étudiée est Nostoc punctiforme, caractérisé par une grande variabilité phénotypique et de larges compétences en ce qui concerne les symbioses avec des champignons et des plantes terrestres (dont bryophytes, gymnospermes et angiospermes). Son génome a été publié en 2001.

Cette espèce de Nostoc s'est avérée être un organisme plus complexe qu'attendu, avec un génome étonnamment important pour une bactérie (8,9 Mb selon le séquençage d'une souche souche de N. punctiforme (ATCC 29133) fait par le Joint Genome Institute ; 45 % des gènes codent des protéines dont la fonction est connue ou probable, et 29 % codent des protéines a priori uniques à N. punctiforme et dont les fonctions sont encore inconnues, mais probablement liées à ses capacités adaptatives ou symbiotiques). Son génome est lui-même « hautement plastique », complexe, avec de nombreuses insertions, des gènes codant des enzymes transposases et des modifications de l'ADN lui-même.

N. punctiforme possède environ 400 gènes connus pour coder des protéines kinases impliquant des capteurs, régulateurs de réponse et d'autres facteurs de transcription démontrant que c'est une espèce capable de percevoir les modifications environnementales et de faire preuve de nombreuses adaptations.

 Substances d'intérêt biochimique, pharmaceutique

> Toxines

De nombreuses bactéries cyanophycées, et tout particulièrement les cyanobactéries filamenteuses, produisent des toxines dites phycotoxines, neurotoxiques, hépatotoxiques ou présentant des effets biocides sur des algues, champignons, animaux prédateurs ou autres, etc..

Elles en produisent parfois plusieurs, ainsi, une souche de la Nostoc sp. trouvée dans un lac finlandais s'est montrée in vitro capable de produire une batterie d'au moins neuf peptides hépatotoxiques. Ces toxines ont été isolées, purifiés et étudiées[15]. Nombre d'entre elles présentent des propriétés chimiques et toxicologiques semblables à celles de protéines hepta- et pentapeptides hépatotoxiques produites par d'autres cyanobactéries, mais quelques-unes (P14, P15 et P16) présentent de nouveaux types d'homologues de la microcystine-LR. La toxicité de ces homologues ne semble toutefois pas significativement différente de celle des homologues déjà connus, mais pourrait jouer un rôle dans la résistance de la bactérie face à l'évolution des capacités de détoxication de ses prédateurs.

Résistance aux UV

Des cultures liquides de Nostoc commun (prélevés in situ) et exposées par des universitaires munichois (fin des années 1990) à une irradiation par UV-B et UV-A ont surproduit certains pigments protecteurs. Les UV-B ont accru la production de caroténoïdes (échinénone et myxoxanthophylle notamment), sans inhiber la production de chlorophylle a. Dans le même temps, la bactérie produisait en plus grande quantité un pigment extracellulaire, soluble dans l'eau, une mycosporine qui absorbe les UV-A/B, associé à la synthèse de glycane extracellulaire. Elle synthétise aussi des scytonemines (pigment extracellulaires lipo-solubles, connus pour fonctionner comme un écran solaire UV-A). Après une longue exposition, l'effet des UV-B sur la synthèse des caroténoïdes et de la scytonémine cesse, alors que la teneur en mycosporine reste constamment élevée. La production de mycosporine (protectrice contre les UV-B) est exclusivement induite par l'exposition aux UV-B (<315 nm). La synthèse de scytonémine (protectrice contre les UV-A solaires) n'est que légèrement induite par les UV-B (<315 nm), et très fortement par le rayonnement proche des UV-A (350 à 400 nm), mais pas du tout par les UV-A (320 à 350 nm). Ces résultats laissent penser que les synthèses de ces 3 types d'écrans solaires anti-UV sont déclenchées par trois photorécepteurs aux UV différents, qui restent à découvrir.

 Adaptation aux sels (osmorégulation)

Certaines espèces présentent des adaptations osmorégulatrices leur permettant en quelques générations de s'adapter au sel marin.

Par exemple Nostoc muscorum, exposé au sel, modifie sa physiologie en plusieurs étapes, et développe de multiples mécanismes de résistance cellulaire, stables et durables face au sel (NaCl), et ceci en quelques générations seulement.

Un mécanisme initial combine une stimulation de l'activité photosynthétique, qui permet une accumulation de sucrose utilisé par la cellule comme osmorégulateur. Un mécanisme secondaire implique une adaptation utilisant la fixation de l'azote N2 et la biosynthèse de nouvelles protéines utiles.

On a constaté en laboratoire que cette adaptation (la plus efficace en réponse aux stress induits par le sel marin NaCl) ne fonctionne cependant que partiellement face aux stress induits par KCl ou à des déséquilibres osmotiques de nature non-ioniques par exemple dus au mannitol.

Antitumoral

Des toxines cellulaires (cryptophycines) naturellement produites par certaines souches de Nostoc, et antérieurement identifiées dans une souche de Nostoc (ATCC 53789), semblent être de bonnes candidates comme antitumoral et contre le cancer. Elles ont été isolées (publication : 1994) dans une souche (GSV 224) de Nostoc. Elles ont aussi une activité fongicide.

Confusions possibles

On a souvent associé Nostoc aux algues, voire à une sorte de lichen. On peut le confondre avec certains champignons compte tenu de l'aspect en thalle ou bulles de certaines espèces de Nostoc qui prennent parfois des teintes brunâtres ou noirâtres.

Utilisations, et soupçons de risques sanitaires

Diverses espèces de Nostoc produisent des toxines, mais sont pourtant localement traditionnellement consommées.

Ainsi, au Pérou des populations autochtones recueillent dans les lacs de montagne des colonies de Nostoc (Nostoc commune globulaire, localement dit llullucha. Ces colonies de Nostoc sont mangées, échangées contre du maïs, ou vendues sur les marchés de Cuzco ou d'autres villes voisines. Sur les hauts plateaux péruviens, c'est un aliment saisonnier important, consommé seul ou en « Picante » (sorte de ragoût traditionnel) qu'on dit très nutritif.

Le Nostoc commun produit effectivement des acides aminés inhabituels, dont certains du groupe mycosporine, des molécules pouvant contribuer à prévenir les dégâts de l'exposition aux UV (auxquels Nostoc est particulièrement résistant).

Au début des années 2000, 21 échantillons de Nostoc commun sphérique de la région de Cusco ont été analysés ; ils contenaient effectivement de la bêta-N-méthylamino-L-alanine (BMAA), un acide aminé produit par divers taxons de cyanobactéries dites neurotoxiques.

La BMAA étant supposée être impliquée dans plusieurs maladies neurodégénératives, ces chercheurs ont en 2008 suggéré d'étudier si la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Parkinson sont plus fréquentes chez les personnes qui consomment le llullucha au Pérou.

Au début des années 2000, un nouvel alcaloïde, la nostocarboline (β-carboline alkaloide quaternaire), a été isolé dans une souche de Nostoc (Nostoc 78-12A) trouvée aux États-Unis ; cette molécule semble prometteuse pour traiter la maladie d'Alzheimer, en inhibant l'enzyme butyrylcholinesterase (BChE) aussi efficacement que la galantamine (médicament actuellement utilisé). Elle a été brevetée par l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). En outre cette nostocarboline, biodégradable et facile à produire, semble aussi avoir des vertus biocides (algicides) qui pourraient peut-être un jour être utilisées en agriculture.

Les teneurs et compositions en acides gras des cyanobactéries et de différentes souches de Nostoc ont été étudiées, dont comme marqueurs chémotaxonomiques. Une étude faite sur plus de 20 souches laisse penser que les souches hépatotoxiques pourraient être regroupées par ce moyen. Certaines souches de Nostoc produisent des quantités importantes d'acides gras essentiels (Oméga 5, 6, 7, 9, 12).


[Synthétisé de Wikipedia, art. Nostoc et de diverses autres sources]

LE CANIS ATLANTICUS, UN NOUVEL ECLAIRAGE...

LE « CANIS ATLANTICUS », UN NOUVEL ECLAIRAGE SUR LES RELATIONS POSSIBLES ENTRE GUANCHES, EGYPTIENS ET PEUPLES D’AMERIQUE

Anubis (tombeau de Toutankamon)

 Par Roland COMTE

 Cet article est la version définitive (2013) d’un précédent article publié en 1989 sous le titre « Le rôle du chien dans les anciens rites funéraires Guanches » publié dans la revue scientifique Almogaren, (XXI/1/1990, pp. 69-79) de l’Institutum Canarium (Hallein, Austria)

Introduction

Cet article n’a pas pour but de relancer le débat sur l’étymologie du nom des îles Canaries. Cependant, il nous paraît indispensable, pour la clarté de l’exposé, de revenir sur ce point particulier car il ne nous semble pas avoir reçu, jusque là, toute l’attention qu’il méritait. Cela ne serait en soi d’aucune gravité si, par contrecoup, une question que nous considérons comme importante pour l’approche de certains traits culturels canariens n’avait, elle, injustement souffert de ce discrédit.     
Nous voulons parler de la question du chien canarien et de son possible rôle dans les conceptions religieuses et les rites funéraires guanches.

La première étymologie faisant dériver le nom des Iles Canaries du latin « canis » (chien)  est, à notre connaissance, attribuée à Pline.

Rappelons ce qu’en dit le naturaliste Bory de Saint-Vincent[1] :

« Avant la soumission des Canaries, ces îles n’étaient connues que sous le nom de Fortunées, qu’elles perdirent presque en un instant pour celui qu’elles portent (...). Entre les Fortunées dont nous parlent les Anciens, il en est une nommée Canaria, parce qu’on y trouvait des chiens : deux de ces animaux furent conduits à Juba, roi de Mauritanie. Plusieurs auteurs s’accordent à dire que, lors de leur découverte, ces îles étaient pleines d’animaux pareils. »

Dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien dit très exactement [2]

« Canariam vocari a multitudine canum ingentis magnitudinis, ex quibus perducti sunt Jubae duo (...). »

Traduction :

« Canaria, ainsi appelée pour les nombreux chiens de grande taille qui y vivent et dont deux d’entre eux furent amenés à Juba (...). »

Pline faisait référence à l’expédition envoyée aux Iles Canaries par Juba II, roi de Mauritanie, expédition qui dut avoir lieu entre l’an 25 avant J.-C., date de l’accession au trône du prince berbère et l’an 24 après le début de l’ère chrétienne, date de la fin de son règne et de sa mort [3].

Bory de Saint-Vincent précise, et ce malgré les dénégations du chroniqueur Gomara[4] affirmant que, lorsque Pedro de Vera « arriva à Canarie, il n’y avait pas de chiens dans l’île », que d’autres auteurs soutiennent le contraire. P. de Vera connut la Grande Canarie en 1480 ; son témoignage est donc tardif. Le Canarien, récit de la conquête de Jean de Béthencourt, qui lui est près d’un siècle antérieur, puisqu’il se réfère aux années 1404-1405, parle des fameux chiens que découvrirent les Français lors de leur arrivée à la Grande Canarie :

« Ils sont bien pourvus en animaux, à savoir porcs, chèvres et brebis, et quelques chiens sauvages, qui ressemblent à des loups, mais ils sont petits. » [5]

Il existe plusieurs versions du manuscrit de Béthencourt. Celle qui est attribuée à son lieutenant Gadifer de la Salle, précise :

« (...) et de chiens sauvaigez qui senblent loups, mais ils sont plus petis. » [6]


Cette variante, dans laquelle nous pensons qu’il faut entendre « plus petits [que des loups] », n’est pas sans intérêt.

Bory cite aussi la description des Canaries par l’anglais Thomas Nichols en 1526, qui « assure, au contraire, que non seulement on y trouvait des chiens (...) mais encore que les insulaires les châtraient et en mangeaient la chair. »[7]

On peut donc estimer que la remarque de Gomara ne tient pas ; elle est non seulement abondamment contredite par d’autres chroniqueurs mais aussi, comme nous le verrons, par l’archéologie.

On voit, qu’étoffée d’autres témoignages, la brève mention de Pline revêt un intérêt considérablement plus large pour les naturalistes que celui d’un simple point, amplement controversé, d’étymologie...
Jusque là, néanmoins, rien que de très banal. Les premiers témoins européens rapportent qu’à côté d’autres animaux, moutons, chèvres, cochons... on trouvait aux Canaries des chiens, « grands », selon PLINE, « semblables à de petits loups », selon Le Canarien, et qu’ils servaient parfois de nourriture aux indigènes.

Or, les découvertes archéologiques, même si le chercheur les souhaiterait plus nombreuses et indiscutables, confirment les témoignages littéraires. Nous faisons référence, d’une part, à la

découverte de plusieurs crânes  de chiens conservés au Museo Canario de Las Palmas[8]. Ces crânes ont été trouvés dans des grottes d’habitation de la Grande Canarie. Ils appartenaient à des exemplaires de chiens de petite taille qui étaient, soit des animaux de compagnie, soit avaient servi d’alimentation aux indigènes. 
Mais une autre trouvaille nous paraît encore plus significative : c’est celle d’un crâne de chien, toujours de petite taille, découvert à Tenerife. Ce crâne portait des traces de momification et laissait encore voir quelques zones de poil court couleur crème foncé. Ces restes furent trouvés dans la nécropole du Llano de Maja, à côté du squelette d’un homme, accompagné « d’un ensemble d’offrandes funéraires très complet (...) ».[9] Luis Diego Cuscoy, longtemps directeur du Musée archéologique de Tenerife, qui relate cette exceptionnelle découverte, supposant que l’animal avait peut-être été sacrifié à la mort de son maître, émet l’hypothèse selon laquelle les Guanches  attribuaient au chien le rôle de « guide de l’âme vers l’autre monde » qu’on lui connaît dans d’autres civilisations, en particulier « dans l’ancienne Egypte où des trouvailles semblables ont été signalées dans les gisements de Fayoum et de Badari. »[10]
En Egypte, les exemples de momifications conjointes d’hommes et de chiens ne se limitent pas aux gisements de Fayoum et de Badari et ils ont été suffisamment étudiés pour que nous n’ayons pas à y revenir[11].  Mais l’Egypte n’est pas la seule à avoir pratiqué la momification de chiens. On en retrouve des exemples dans l’Amérique précolombienne, en particulier au Pérou, où le chien joua aussi un rôle reconnu dans les rites funéraires[12].

L’hypothèse d’un rôle du chien dans le rapport des Guanches à la mort et à l’autre monde, et des troublantes correspondances que l’on peut établir entre les rites funéraires guanches et égyptiens, d’une part, et précolombiens de l’autre, avaient déjà été signalées par le regretté Professeur Hans Biedermann dans un article intitulé « Les îles des chiens dans la mer occidentale », mais elle achoppait alors sur l’absence d’éléments archéologiques suffisamment convaincants[13].

Bien entendu, la découverte signalée par Diego Cuscoy, même s’il affirme qu’elle n’est pas isolée, pourra être considérée comme insuffisante. Elle n’est à ce jour, de plus, valable que pour l’île Tenerife car nous n’avons pas connaissance de trouvailles semblables dans les autres îles de l’archipel. Cela ne signifie nullement qu’elles sont inexistantes car les îles nous réservent encore certainement, ne serait-ce que sur le plan de l’archéologie, beaucoup d’autres surprises ...

Bien que reconnaissant qu’aucun chroniqueur ni aucune source antique ne fasse état d’un rôle qu’aurait pu jouer le chien dans les rites funéraires guanches, L. Diego Cuscoy souligne avec justesse que cet « animal occupe une place dans le monde du mythe et du culte [des Guanches] ». Il s’appuie pour cela sur l’existence, à la Grande Canarie, d’un « chien démoniaque, le tibisenas, dont l’apparition effrayait les indigènes. »[14] 

Qu’on nous permette cependant ici d’attirer l’attention sur les précautions qu’il convient de prendre avec les observations des premiers chroniqueurs de la conquête sur la société guanche et plus encore sur les faits religieux qu’ils décrivaient à travers le filtre déformant de leur propre religion et de leurs a priori : tout ce qu’ils ne comprenaient pas et qui les choquait était souvent qualifié de « démoniaque ». Aussi, rien ne nous prouve que l’esprit à forme de chien présenté par Pedro Gomez Escudero[15]  ait eu le caractère « démoniaque » que celui-i lui attribue :

« Muchas y frequentes veses se les aparesia el demonio en forma de perro muy grande i lanudo de noche i de dia i en otras varias formas que llamaban Tibicenas. »

Traduction :

« Le démon leur apparaissait souvent sous la forme d’un chien très grand et aux longs poils, que ce soit de jour comme de nuit, et sous diverses autres formes qu’ils nommaient tibicenas. »

Sous les réserves indiquées plus haut, on doit cependant reconnaître que la croyance en un être surnaturel « démoniaque » (du moins dans la bouche des chroniqueurs chrétiens) se retrouve dans la plupart des autres îles ; seules diffèrent les appellations qui lui sont données : Guayota, à Tenerife (où le « démon » était censé habiter à l’intérieur d’Echeide (sans doute le Teide ?) ; Gabiot, à la Grande Canarie et à Lanzarote ; Hirguan, à La Gomera ; Iruene, à La Palma, etc.[16]

Dans Natura y cultura de las Islas canarias[17], Pedro Hernandez Hernandez note que, de nos jours, les gens de la campagne continuent de désigner le démon sous le nom « perrete » (petit chien) et jurent en utilisant une formule qui pourrait bien être une survivance des anciennes croyances guanches :

« Cruz, perro maldito ! » (Par la croix, maudit chien !)

Voyons maintenant si nous pouvons définir un type particulier qui serait le prototype du chien canarien, ce que nous avions appelé, dans un ancien article, le « Canis atlanteus ou canis atlanticus »[18] .
  
L. Diego Cuscoy indique que les Guanches appelaient « cancha » un chien de petite taille qui faisait partie de leur alimentation. Il précise que Zeuner l’a rapproché du « dingo » australien[19].

Nous avons personnellement vu, dans la nature canarienne, des chiens à demi sauvages, longilignes et aux oreilles dressées, du type lévrier, au pelage généralement blanc ou brun clair. Ils sont aussi parfois apprivoisés et dressés pour la chasse ou pour garder les troupeaux.



Lors de notre premier séjour à l’île de Tenerife (1976-1977), un paysan, à qui nous avions demandé leur nom, nous avait répondu qu’on les appelait « perros cartaginenses » (c’est-à-dire « chiens carthaginois »), ce qui n’avait pas manqué de nous étonner. Nous retrouvâmes par la suite ce type de chien dans toutes les îles de l’archipel, sans exception. Nous avons pu, à plusieurs reprises, mesurer leur extraordinaire agilité qui leur permet d’escalader les pentes des barrancos (ravins) les plus abrupts. Nul doute qu’ils sont parfaitement adaptés à la chasse sur des terrains difficiles ou comme gardiens de troupeaux, deux rôles dans lesquels ils étaient déjà utilisés, nous le savons par les chroniques de la conquête, par les guanches préhispaniques. Nous savons en effet par Fray José de Sosa, qui écrivait en 1678, que les Guanartemes (c’est-à-dire la caste noble de Grande Canarie), élevaient « ligerisimos perros de mano » (très légers chiens « de main »), « dressant les meilleurs qu’ils trouvaient dans les montagnes où ils vivaient à l’état sauvage (...) »[20].

Est-ce ce type de chien que les Guanches élevaient comme animaux de boucherie ? D’après leur morphologie, cela semble peu probable, même si Diego Cuscoy décrit le « cancha » comme un chien « fier et vorace » et que, « lors de la première entrée des Espagnols, lorsqu’ils pénétrèrent dans l’île [de Tenerife] par le Val de La Orotava (...), ils trouvèrent des chiens indigènes dévorant les cadavres des Guanches et des Espagnols tombés dans les premiers engagements »[21]. Qu’on nous pardonne cette remarque mais il doit y avoir confusion. Il nous semble en effet peu vraisemblable que ce soit un chien de type lévrier que les Guanches « châtraient et engraissaient pour les manger »[22] . Ce genre de chien, même engraissé, devait fournir une bien piètre pitance ! Sans doute d’autres espèces étaient mieux adaptées à cet usage. Or, nous savons qu’à côté du type lévrier, d’autres espèces existaient aux Canaries avant la conquête : à part les « grands chiens » offerts au Juba II, qui n’ont, à ce jour, pas été identifiés mais dont on peut supposer qu’il s’agissait de chiens exceptionnels rappelant sans doute les sloughis utilisés pour l’ornement ou pour la chasse d’Afrique du Nord, il existe d’autres races comme le « bardino maxorero » (chien majorero) ou « perro pardo » (chien brun) de Fuerteventura sur lequel des études et une politique de sauvegarde sont en cours[23]. Mais aucun élément ne nous permet de penser que, pas plus que les chiens de type lévrier, ils aient pu, un jour, être élevés pour leur viande.

Resterait un autre type de chien, proche cousin de celui, bas sur pattes et sans poils (aussi dénommé « chien nu ») répandu dans toute l’Amérique précolombienne et que l’on appelle encore curieusement là-bas « perro chino » (c’est-à-dire « chien chinois » !), sans doute par analogie avec les chiens élevés en Chine à usage exclusif de viande de consommation.

N’ayant pu, pour l’heure, découvrir aux Canaries aucun témoignage de ce « chien du troisième type », nous ne pousserons pas plus loin l’hypothèse[24].

Restons-en, dans l’immédiat, à notre chien de type lévrier (celui sans nul doute dont parle Pline) et au rôle qu’il paraît avoir joué dans les anciens rites funéraires guanches.
Il est frappant de constater que ce même type de chien se retrouve dans tout l’espace méditerranéen, depuis l’Egypte jusqu’à l’Afrique occidentale. Selon les lieux, il porte des noms différents mais qui posent toujours question : Podenco ou Podengo en Espagne et à Ibiza, aussi appelé curieusement « chien des Pharaons »[25]Saluqi ou Sloughi apprécié pour la chasse par les Touaregs[26], Pharaon Hound (Lévrier des Pharaons) de Malte[27],  etc. Remarquons que les traditions locales rattachent toujours ces chiens, soit aux Phéniciens, (« perros cartaginenses » : ils tiraient le char de la déesse Tanit)[28], soit aux Egyptiens.

Pour en revenir aux Canaries, nous avons vu que le chien du type lévrier aurait pu, d’une manière ou d’une autre, être lié aux rites entourant la mort (chien momifié, aspect soi-disant « démoniaque » du tibicena, demeure souterraine dans l’Echeide, etc.). Cela nous a naturellement conduit à le rapprocher d’Anubis, le dieu des morts des anciens Egyptiens et de ses attributions de dieu psychopompe.

On connaît Anubis. On sait qu’il est le dieu qui, dans l’Egypte ancienne, préside aux enterrements. Son rôle est prépondérant dans la geste osirien puisqu’il aida Isis, après le rassemblement des membres dispersés d’Osiris, à reconstituer le corps divin[29].  Or, penchons-nous un peu sur les représentations qui nous sont parvenues d’Anubis ?

En fait, toutes les représentations que nous connaissons du dieu des morts égyptien évoquent un être hybride entre le loup, ou le renard, et le lévrier : sont corps est très fin, son museau extrêmement allongé, ses oreilles triangulaires sont dressées sur sa tête ; sa robe est d’un noir uniforme, aux poils très courts, voire sans poils du tout [30]. Les spécialistes qui l’ont étudié l’ont rapproché soit d’un loup, soit d’un renard du désert (fennec), soit d’un chacal. Or, Keimer, égyptologue et zoologue, s’élève contre cette fausse interprétation :

« On décrit toujours Anubis comme un dieu à tête de chacal (...). [Cependant] il n’y a jamais eu de chacal en Egypte mais seulement des chiens errants qui ressemblent un peu à des loups[31], au museau effilé, porteurs de grandes oreilles pointues (...) »[32]

Cette conclusion est confirmée par Isha Schwaller de Lubicz[33] :

« Les auteurs classiques n’ont jamais rangé le chacal au nombre des animaux sacrés ; mais ils ont nommé Cynopolis (« ville du chien », aujourd’hui Cheik el-Fadl’) la ville où était vénéré Anubis, alors que la ville consacrée à Oupouat était nommée Lycopolis (« ville du loup ») (...). Cependant, ni le chacal ni le loup, ni aucun des canidés d’Egypte ne réunit à la fois les caractéristiques de l’animal sacré d’Anubis et d’Oupouat : oreilles droites, longues et pointues du renard, queue du chacal et du loup, robe noire d’un « chien errant » égyptien. Le plus approchant pourrait être ce « chien errant » sans toutefois lui correspondre entièrement (...). 

Dans un article plus ancien, sans prétention scientifique[34], nous avions cherché de quel modèle animal avait pu s’inspirer l’Anubis égyptien. N’ayant réussi à le faire correspondre à aucun animal connu, nous nous étions résolu à inventer, pour ce spécimen étrange, le terme de  « Canis atlanticus ». Nous ne savions pas, à l’époque, que nous lui trouverions un sosie, non en Egypte mais en Amérique. Il existe en effet de nos jours un véritable jumeau d’Anubis, le Xoloizcuintle, plus simplement appelé Xolo[35]. Originaire du Mexique, on l’élève actuellement aussi en Europe où il est très prisé des amateurs. C’est un extraordinaire chien sans poil, de couleur uniformément noire. Son nom vient de Xolotl, le terrifiant dieu mexicain de la mort, dont il était l’animal sacré. Comme Anubis, il accompagnait les âmes des morts dans le monde de l’au-delà, que les Mexicains dénommaient Mictlan. Pour eux ce monde se situait à l’Orient alors que pour les Egyptiens et, à leur suite, pour tous les peuples de l’Antiquité (Grecs et Etrusques, en particulier), il se situait à l’extrême Occident.

Le Xoloizcunintle est, sans conteste, le plus extraordinaire des spécimens de la plus étrange des races canines, celle des « chiens nus », qui compte trois branches : outre le Xolo, en font partie les « chiens chinois à crête » (nus sauf une touffe de poils sur la tête, à la queue et aux pattes) et le « chien nu du Pérou », à vrai dire si proche cousin du Xolo qu’on ne voit pas toujours la différence entre eux. Une thèse qui fait référence leur a été consacrée[36]. Les spécificités de cette race sont multiples : la première est bien évidemment leur système pileux peu développé ou carrément absent. D’autres sont tout aussi étonnantes : leur dentition, par exemple, est incomplète (l’absence de toutes les prémolaires ou d’une ou plusieurs incisives


n’est pas rare). Par contre, il semblerait que l’observation selon laquelle ils ont une température supérieure à la moyenne (ce qui les a fait appeler « chiens-bouillotte » et leur a fait attribuer des pouvoirs curatifs) est erronée.  Mais, lorsqu’on lit les ouvrages qui leur sont consacrés[37], on ne manque pas de relever plusieurs traits de leur caractère. Tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que ce sont des chiens montrant encore des traits qui les rendent proches des animaux sauvages mais, comme ils sont exceptionnellement intelligents, ils se « socialisent » facilement. Cependant, leur forte personnalité s’affirme par une grande indépendance qui les rend par moments difficiles à dresser. Ils aboient tellement peu qu’on a longtemps cru qu’ils étaient muets. Mais ce qui est le plus curieux, c’est que leur comportement change totalement dès la tombée de la nuit. Le Xolo, particulièrement, devient « très nerveux, excité, voire angoissé dès que le jour baisse »[38]. 

Revenons un instant sur cette terre mythique dont les Mexicains faisaient le séjour de leur mort : Mictlan. Ils la plaçaient à l’Orient de leur terre. Or, pour les Egyptiens, l’origine de leurs dieux et le paradis où retournaient les âmes après leur mort s’appelait Ament et était située à l’extrême Occident[39].  Quant aux Grecs, ils appelèrent ce lieu Macaron Nesos (μακάρων νῆσοι), les « Iles Fortunées » ou « Iles des Bienheureux » et les placèrent dans l’Océan Atlantique, au-delà des Colonnes d’Hercule, qui est pour nous le détroit de Gibraltar. Or, comme nous le disions au début de cet article en citant Bory de Saint-Vincent, avant de porter le nom sous lequel nous les désignons désormais, les Iles Canaries étaient universellement assimilées avec ces « Iles des Bienheureux ou îles Fortunées » dont le sens, pour les Anciens, n’était ni plus ni moins que celui d’« Iles des Morts ». 

N’est-il pas troublant de penser que, de part et d’autre de l’Atlantique, les morts étaient conduits vers une terre située au beau milieu de l’Océan atlantique, par un chien noir, et que le type de chien qui ne peut, du fait de ses caractères si spécifiques, être confondu avec aucun autre, se retrouve au Mexique sous le nom de Xoloitzcuintle.  

Les lévriers sauvages qui hantent encore les barrancos canariens seraient-ils donc les lointains descendants de ces chiens-dieux qui conduisirent un jour les âmes des morts depuis l’une et l’autre rive du vaste océan Atlantique vers leur ultime séjour : les Iles Fortunées ?




[1]  Bory de Saint-Vincent. Essai sur les Iles Fortunées de l’Antique Atlantide ou Précis de l’Histoire Générale de l’archipel des Canaries. Paris, Baudoin, 1803.
[2]  Pline l’Ancien (1er siècle après JC), Historia naturalis, Livre VI, chap. XXXVII.
[3]  Juba II, prince berbère élevé à Rome, de double culture grecque et romaine. Il écrivit une monumentale géographie de l’Afrique du Nord, Lybica, qui  est en grande partie perdue. Seuls nous sont parvenus quelques courts fragments (Felix Jacoby, Die Fragmente der Griechischen Historiker, Berlin-Leyden, 1923-1959)
[4]  Francisco Lopez de Gomara  Historia general de las Indias. (1552) Ed. par E. de Vedia, in : Historiadores primitivos de la India, vol. I, Madrid, 1852.
[5]  Le Canarien, cap. XLVII. Ed. A. Cioranescu. Sta. Cruz-de-Tenerife, Aula de Cultura, 1980 (pp. 165-166).
[6]  Id., texte de Gadifer de la Salle, cap. XLVIII. Ed. Serra-Rafols y A. Cioranescu. La Laguna/Las Palmas, Instituto de Estudios Canarios/El Museo Canario, 1965 (p. 131).
[7]  Thomas Nichols. A description of Fortunate Islands (...). Ed. Cioranescu in: Descripcion de las Islas Afortunadas. La Laguna, Instituto de Estudios Canarios, 1963.
[8]  Ces crânes sont déposés au Museo Canario de Las Palmas, sous les réf. 1226 à 1228. Ils semblent provenir des fouilles de S. Jiménez Sanchez à la Montana de Moya (Grande Canarie). Cet archéologue cite, dans ses publications qui s‘échelonnent sur plus de dix ans (Anuario de Estudios Atlanticos, El Museo Canario, etc.), de nombreuses autres trouvailles que nous n’avons pu cependant retrouver dans les collections actuellement exposées au musée ni dans les réserves, malgré l’aimable collaboration de son personnel.
[9]  Luis Diego-Cuscoy. Los Guanches. Sta. Cruz-de-Tenerife, Museo arqueologico de Tenerife, 1968 (pp. 108 et sq.). Une photo de ce crâne est reproduite in fine, planche IX, 2.
[10]  Id., p. 109. L’auteur se réfère à Martin Almagro Basch, Prehistoria del Norte de Africa y del Sahara espanol. Barcelona, Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, Instituto de Estudios Africanos, 1946. Ces pièces correspondraient donc aux périodes néolithiques et énéolithiques (Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne. T. I. Paris, Picard, 1952).
[11]  Vandier, op. cit. et Lortet et Gaillard, « Faune de l’ancienne Egypte, Canidés », in : Archives du Museum d’Histoire Naturelle de Lyon, t. X, chap. XVII. Lyon, Georg, 1909. 
[12]  Découvertes de Von Tschudi,, Max Uhle et A. Kroebe au Pérou (communication de Simone WAISBARD, Paris).
[13] Hans Biedermann. « Die Hunde-Inseln im Westmeer », in: Almogaren, T. III (1972), pp. 99-107 et communications personnelles inédites.
[14]  L. Diego Cuscoy, Los Guanches, op. cit.
[15]  P. Gomez Escudero (1484-1500). Las relaciones de Galdar. Historia de la conquista de Gran Canaria. Ed. Darias y Padron et M. Quesada Saavedra. Galdar, 1936. La citation respecte la graphie de l’époque.
[16]  Pedro Hernandez Hernandez. « Creencias y practicas religiosas », in : Natura y cultura de las Islas Canarias. Las Palmas, Tipografia A. Romero, 1978. Informations complétées par une communication personnelle de Jaime KRUSS, de Tafira (G.C.).
[17]  Cité ci-dessus.
[18]  Roland COMTE « Le Canis atlanticus et les origines de la civilisation occidentale », in : Cahiers du Réalisme Fantastique, n°2 (1976), Nice.  
[19]  Zeuner « Some domesticated animals from the Prehistoric Site of Guayadeque, Gran Canaria », in :  El Museo canario, n°65-72. Las Palmas, 1958-1959.
[20]  Fray José de Sosa, Topografia de la isla de Gran Canaria (...). Ms, 1687.
[21]  Diego Cuscoy, Los Guanches, op. cit., p. 109.
[22] Th. Nichols, op. cit.
[23]  Travaux d’ASCAN et communications de mon ami Antonio Cardona Sosa, Las Palmas de G.C.
[24]  «Los perros chinos», « Raza de perros del Incario » et autres articles parus dans le journal La Prensa de Lima, communiqués par Simone Waisbard (Paris).
[25] Selon la légende, la déesse Tanit dont il tirait le char l’aurait abandonné sur l’île d’Ibiza Cf. Michel Masse « Le Podenco ibicenco ou chien sacré des Pharaons », extrait d’une revue non identifiée faisant partie de notre documentation personnelle et Cl. Fabre-Vassas « Lévriers des Baléares », in : Revue Terrain, n°10, Avril 1988. Paris, Ministère de la Culture, 1988 (pp. 97-101).
[26]  F. Vire « A propos des chiens de chasse Saluqi et Zagari », in : Revue d’Etudes Islamiques, XLI/2 (1973). Paris, Geuthner, 1973 (mes remerciements à M. Lionel Galand, professeur à l’INALCO (Paris) pour m’avoir signalé cet article.
[27]  Guide Nagel sur Malte. Cl. Fabre-Vasas (Cf. note 25), identifie ce chien, qui vit sur l’île de Gozo à Malte, comme un «podenco»; elle le compare à d’autres « podenco très proches [qui] se retrouvent à l’île de Gozo, aux Canaries, du Portugal à l’Extremadure et à l’Andalousie où ils constitunet autant de variétés locales adaptées à la chasse. » (Article cité, p. 97).
[28]  Il y aurait beaucoup à dire sur les relations entre les Phéniciens et les Canaries, ainsi qu’avec les Açores, mais un tel sujet nécessite un autre développement.
[29]  « Mythologie égyptienne » in : Mythologies de la Méditerranée au Gange. Paris, Larousse, p. 37.
[30]  Voir l’impressionnante statue d’Anubis du Musée du Louvre (collections égyptiennes).
[31]  Rappelons-nous la citation du Canarien donnée au début de cet article « quelques chiens sauvages, qui ressemblent à des loups, mais ils sont (plus) petits. »
[32]  Cité par Schwaller de Lubicz. Her -Bak disciple. Paris, Flammarion, 1956 (p. 324-325).
[33]  Note ci-dessus.
[34]  Cf. note 18.
[35]  La ressemblance est frappante : comparer les photos du Xolo et  la statue d’Anubis du Musée du Louvre.  
[36]  François Laurent, Les chiens nus, thèse de doctorat vétérinaire, Ecole nationale vétérinaire de Maison-Alfort, 1981.
[37]  Christian Limouzy, Les chiens nus, Paris, éd. De Vecchi, 1994.
[38]  Idem, p. 67.
[39] Princesse  Marthe de Chambrun-Ruspoli, L’épervier divin, Genève, éd. Mont Blanc, 1969. Nous avons eu de longues et passionnantes discussions sur ces sujets avec l’auteur dans sa belle maison de Tanger.