mardi 8 juillet 2014

L'énigme du verre libyque

L’énigme du verre libyque

Selon Théodore MONOD, la première expédition à avoir signalé le « verre libyque » date de 1846 : c’est cette année-là « qu’une petite équipe de guides envoyée par Hadj Hussein vers l’est de Koufra rapporte pour la première fois l’existence « à quatre jours de marche vers l’est » de morceaux de verre épars sur le sol du désert. [1]» 

A part une mention, deux ans plus tard,  dans le Bulletin de l’Institut de géographie de Paris, l’affaire resta ignorée même des spécialistes jusque dans les années 1950. En effet, les indications des premiers observateurs étaient trop imprécises pour qu’on puisse retrouver le verre libyque, malgré la superficie importante où il est répandu, dans une zone très étendue d’un des déserts parmi les moins pratiqués du monde.

Nous savons désormais que la zone du verre libyque s’étend dans une partie de la Grande mer de sable à cheval sur la frontière nord ouest de l’Egypte et nord est de la Libye. D’après les coordonnées données par Monod, « on trouve du verre libyque dans les couloirs interdunaires sur une zone de 80 Km de long sur 30 Km de large. »[2] La zone de concentration majeure s’étend sur quelques dizaines de Km², par 25° 26’ 1’’ nord et 25° 30’ 8’’ est, comme l’a déterminé une expédition scientifique conduite par Aldo Boccazzi, Vincenzo de Michele et Giancarlo Negro en mai 1991.

Le verre libyque se présente sous forme de fragments de diverses tailles qui jonchent le sol. Certains sont plus ou moins enterrés. Les débris vont de quelques centimètres jusqu'à des blocs de plusieurs kilos ; le plus gros est un bloc de 27 Kg qui se trouve au Museum national d’histoire naturelle de Paris.

A l’observation, le verre libyque évoque le silex et les non-spécialistes peuvent le confondre avec ce matériau d’autant plus facilement qu’une large exploitation utilitaire en a été faite au cours de la préhistoire, principalement au paléolithique. Les anciens Egyptiens eux-mêmes n’ont pas hésité à l’utiliser comme une véritable pierre précieuse puisqu’on le retrouve sculpté en forme de scarabée sacré ornant l’un des plus célèbres pectoraux de Toutankhamon (actuellement au Musée du Caire) [3].


Pectoral de Toutankhamon, musée du Caire (cliché libre de droits provenant de Wikipedia)

Mais à la différence du silex, le verre libyque est beaucoup plus transparent même si la surface a été dépolie par une longue exposition à l’érosion : les blocs vont du transparent presque incolore au brun foncé en passant par des variétés laiteuses, jaunes, verdâtres ou vert foncé. Les morceaux sont le plus souvent épars avec quelques concentrations correspondants aux ateliers de taille préhistorique.

Les blocs sont soit homogènes, soit parcourus de traînées brunes. On y trouve aussi parfois de petits cristaux de cristobalite, une forme de silice. La surface de certains blocs est grêlée ou plus ou moins érodée par la corrosion, principalement éolienne.

Les différentes analyses géologiques ont donné les résultats suivants : 98 % de silice (SiO2), puis, dans l’ordre décroissant : oxydes de fer oxydé (Fe2 O3), alumine (Al2 O3), oxydes de fer réduits (FeO), titane et zircon.

La méthode des traces de fission a permis d’établir qu’il s’est formé il y a 28 ,5 millions d’années, c’est-à-dire durant la période oligocène et que la température de fusion avait avoisiné les 1700° C.  

C'est à peu près tout ce que l'on sait avec certitude du verre libyque. La question qui préoccupe le plus les savants est, bien entendu, celle de sa formation.  

Origines

L'hypothèse la plus couramment admise, pour expliquer la formation du verre libyque, est celle qui prévaut pour les tectites ou "impactites", celle de la vitrification du sable de la zone concernée par l'impact d'une météorite (hypothèse Spencer). 

Le problème majeur est qu’une impactite laisse un cratère plus ou moins visible mais dont on arrive toujours à déterminer l’extension. C’est le cas des six champs de tectites connus dans le monde : Etats-Unis (Texas et Géorgie, 35 Millions d’années), Bohême et Moravie (14,7 Ma), Côte-d’Ivoire (1,3 Ma), Australie (0,7 Ma). En outre, dans le cas des tectites, le matériau est projeté dans l’atmosphère et retombe sur terre en prenant des formes particulièrement identifiables. Rien de tel avec le verre libyque.



Tectite avec bulle d'air (cliché Wikipedia, libre de droits)

Si le verre libyque est le résultat d’un impact de météorite, le phénomène n'a pu que se produire in situ et la fusion du sable a été produite non par un impact physique mais par le dégagement au-dessus du sol d’une très forte chaleur.

Je ne m'arrêterai pas sur l'hypothèse du paléontologue allemand Ulrich Jux qui, se basant sur l'existence d'inclusions de pollens et de spores détectés au microscope dans certains débris, a cru devoir démontrer une formation "sédimentaire" du verre libyque [4].     

Une autre hypothèse peu vraisemblable est celle d’un gigantesque incendie de forêt qui se serait produit à l’époque où le Sahara était encore boisé, il y a 28,5 Ma. Pourquoi pas, mais dans ce cas, le gaz carbonique dégagé par un tel incendie se serait retrouvé piégé sous forme de bulles incluses dans le verre sous forme de cristallisations locales, ce qui n’est pas le cas.

Qu'on le veuille ou non, l'hypothèse la plus vraisemblable est bien celle de l'impact, soit d'une météorite. Mais, comme on l'a vu, tout impact de météorite au sol laisse des traces, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il faut donc imaginer l'explosion d'un corps inconnu, explosion qui se serait déroulée à quelques centaines de mètres au-dessus du sable, et qui aurait dégagé une chaleur suffisamment forte (1700° et plus) pour produire la fusion, sur une superficie immense, d'une portion du Sahara. Cela n’explique toutefois qu’une partie du mystère, laissant de côté celui des inclusions de matières organiques, pour l’instant, non réellement identifiées.

C'est l'hypothèse qu'avait adopté Théodore Monod, concluant que le mystère de la formation du verre libyque restait, pour l’instant, largement non élucidé. 

 Sources     

    Ø Théodore Monod. « Le verre libyque : une origine céleste ? », in : Œuvres diverses. Arles, Actes Sud, 1997 (coll. Thesaurus).
Ø Gerhard Müehle. "Libyan desert glass" Febr. 1998, in : www.meteor.co.nz/feb98_1.html
Ø Edmond Diemer. "Dossier – le verre libyque, une impactite ? Point de nos connaissances" sur : www.minerapole.com/f_/fi_03_052.html
Ø Murali, A.V. et alii. Formation of Libyan Desert Glass in : Abstracts of the Lunar and Planetary Science Conference, vol. 19, p. 817 (1988) Houston, Lunar and Planetary Institute, SAO/Nasa Astrophysics Data Systems.  





[1] Th . Monod . Œuvres diverses. Arles, Actes Sud, 1997 (coll. Thesaurus), p. 1211.
[2] D'autres sources, plus récentes et s'appuyant sur des relevés satellites, indiquent des zones encore plus vastes : 130  X 53 km soit près de 7000 km² selon Murali, A.V. et alii (1988). 
[3]  On a longtemps cru que ce scarabée était en calcédoine, jusqu'à ce que des chercheurs démontrent qu'il avait été taillé dans du verre libyque (Cf. Vincenzo de Michele. “The Libyan Desert Glass” scarab in Tutanhamen’s pectoral” in : Sahara, vol. 10, May 1999).   
L’une de ces formations énigmatiques se trouve au Sahara, aux frontières de la Libye et de l’Egypte. Il s’agit du verre libyque de la Grande Mer de Sable. A ce jour, personne n’a proposé d’explication rationnelle à la formation de cette gigantesque étendue vitrifiée.
[4]  Ulrich Jux (1983). Zusammensetzung und Ursprung von Wüstengläsern aus der Großen Sandsee Ägyptens. 
Zeitschrift der Deutschen Gesellschaft für Geowissenschaften, Band 134. p. 521-553, 4 fig. , 2 tab. , 4 pl.

Le mystère du verre libyque




Photo d'un échantillon de verre libyque rapporté par R. Courbis

Il s’agit d’une vaste zone de sable vitrifié située dans la Grande Mer de Sable, partie du Sahara aux confins de la Libye (Nord-Est) de l’Egypte (Nord-Ouest). Elle fut signalée pour la première fois en 1846.


Photo d'un 2ème échantillon de verre libyque rapporté par R. Courbis

Selon le grand naturaliste Théodore Monod [1], qui s'est passionné pour ce sujet « on trouve le verre libyque dans les couloirs inter-dunaires sur une zone de 80 Km de long sur 30 Km de large. Son aire de dispersion est orientée selon un axe nord-nord-ouest – sud-sud-est avec une zone de concentration maximale autour du point 25° 30’ nord et 25° 30’ est.


Zone du verre libyque sur Google earth

« Il se présente sous forme de fragments de tailles réduites posés sur le sol ou, parfois, légèrement enterrés [2]. La taille moyenne des morceaux est celle d’un poing. Le plus gros découvert à ce jour (il se trouve actuellement au Muséum d’histoire naturelle de paris) […] pèse 27 Kg.
«   […] la zone de concentration majeure (se situe) par 25° 26’ 1’’ nord et 25] 30’ 8’’ est.
« Sur le plan physique, le verre libyque se présente comme des blocs de verre largement érodés et d’une couleur allant du transparent presque incolore au brun foncé en passant par des variétés laiteuses, jeunes, verdâtres, vert foncé. Quelle que soit leur couleur, les blocs sont soit homogènes, soit parcours de traînées brunes. On y trouve aussi quelquefois des petits cristaux blancs de cristobalite, ne forme particulière de la silice. Dans tous les cas, ils présentent des traces d’érosion caractéristiques lorsqu’ils n’ont pas été façonnés de main d’homme [3] : la partie exposée aux agents atmosphériques est creusée de petites excavations juxtaposées, qui donnent à la pierre un aspect « grêlé », tandis que la partie au contact du sable, de la quartzite ou des grès de Nubie, présente des traces beaucoup plus fines de corrosion chimique dues à différents facteurs […]. Bien entendu, le verre a été étudié dans toutes ses composantes, et les différentes analyses effectuées dans les laboratoires européens ou nord-américains ont toujours donné des résultats très semblables : il se compose  à 98 % de silice (SiO2) que suivent dans l’ordre des oxydes de fer oxydé (FeO3), de l’alumine (AlO3), des oxydes de fer réduits (FeO), du titane et du zircon.
« La méthode des traces de fission a permis d’établir qu’il s’est formé il y a vingt-huit millions d’années, donc durant la période oligocène. »

L’article se poursuit par un sous-titre qui rend bien compte de la confusion des scientifiques pour expliquer la cause de cette formation : « Un mystère non dévoilé ».

« L’hypothèse la plus généralement admise […] est qu’il s’agit d’une « impactite », c’est-à-dire de la silice – provenant des roches locales – fondues sous la chaleur dégagée par l’impact, dans le désert libyque, d’un corps céleste. C’est l’hypothèse météoritique. »

Cette hypothèse est la plus couramment admise à ce jour. Le problème est qu’elle est loin d’être satisfaisante car une météorite, en se désintégrant, laisse généralement un cratère et des débris. C’est le cas dans les quatre « champs de tectites » connus dans le monde : Etats-Unis (Texas et Géorgie, 14,7 millions d’années) ; Côte-d’Ivoire, (1,3 millions d’années) ; Australie, (0,7 millions d’années). Les moldavites, tectites découvertes en Bohème et en Moldavie, proviennent de la chute de la météorite qui a créé en Allemagne le cratère appelé le Ries de Nördlingen et situé à près de 400 Km de l’endroit où ont été retrouvées les moldavites. Mais, dans le cas qui nous occupe, toutes les recherches (y compris en utilisant les ressources des satellites) pour retrouver le cratère d’impact qu’aurait dû laisser la météorite à l’origine du verre libyque ont été infructueuses.

Le verre libyque s’est formé sous l’effet d’une chaleur intense, de l’ordre de plus de 2000 degrés. Selon Théodore Monod, un seul scénario correspond à ces données : il y a 28 millions d’années, un corps incandescent serait venu se désintégrer avec un énorme dégagement de chaleur à quelques centaines de mètres au-dessus du sol du Sahara, vitrifiant la surface sur une aire de quelques dizaines de Km². Il est cependant tout à fait extraordinaire que ce « corps incandescent », quel qu’il soit, n’ait laissé aucune trace physique de son impact. 

Notes  

[1] « Désert libyque », in Thesaurus, pp. 1211-1220.
[2] Je remercie Robert Courbis pour m’avoir rapporté deux fragments de verre libyque d’une expédition faite dans cette région en 2004. Les fragments se présentent comme des morceaux de verre érodé de la couleur de l’ambre clair aux reflets légèrement verdâtre. On discerne quelques petites bulles d’air prises dans l’épaisseur du verre et la surface est en effet « grêlée », comme le dit Monod, par l’érosion éolienne.
[3] Dans le même article, il est dit que ces formations ont été largement utilisées pour fabriquer des armes et outils à l’époque paléolithique (paléolithique ancien et moyen). Elles ont aussi été utilisées par les anciens égyptiens pour la fabrication de bijoux. Le corps d’un scarabée ornant l’un des plus beaux pendentifs faisant partie du trésor de Toutankhamon (Musée du Caire) est en verre libyque d’une délicate teinte verte qui l'on fait prendre pour de l'onyx ou du jaspe.

Références bibliographiques :

  • MONOD, Théodore. Thésaurus. Arles, Actes Sud, 2001. L’article consacré au « Verre libyque » se trouve pp. 1211-1220.
Références internet :

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